Clause léonine, déficits fonciers et Conseil d’Etat
Le principe c’est l’article 1844-1 du Code Civil : la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes est déterminée à proportion de sa part dans le capital social.
Par conséquent, la stipulation qui attribue la totalité du profit à un associé ou l’exonère de la totalité des pertes ou inversement, qui met à sa charge la totalité des pertes et l’exclut totalement du profit sont réputées non écrites.
Les associés peuvent néanmoins décider d’une autre répartition que celle proportionnelle à l’apport de chacun (dès lors que la décision en question ne contrevient pas au principe ci-dessus).
Prudence toutefois dans le maniement de l’inégalité : une modification statutaire comme une modification ponctuelle décidée par la collectivité des associés sera utilement votée à l’unanimité des associés.
Une telle clause est au cœur de la décision du Conseil d’Etat du 18 octobre 2022.
Par trois délibérations successives (3 exercices d’affilée), les associés d’une SCI ont décidé l’attribution des pertes au profit de deux d’entre eux qui ne détenaient que 1 % du capital social (99 % pour les enfants), leur permettant ainsi de déclarer à l’administration des déficits fonciers à due concurrence.
L’administration a contesté au motif qu’elle considérait que ces décisions d’attribution de la totalité des pertes aux associés constituaient des clauses léonines donc réputées non écrites.
Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour d’Appel, considérant que les décisions d’AG ne dérogeant que ponctuellement aux dispositions statutaires, ne constituaient pas une clause léonine au sens des dispositions du Code Civil.
Dès lors, l’Administration devait prendre en compte les déficits fonciers déclarés par les associés minoritaires.
La décision paraît quelque peu surprenante.
Un exercice passe. Mais, deux puis trois…
Cette décision demande à être précisée. L’avenir nous dira sans doute si, par exemple, 5 exercices ou plus d’attribution de pertes aux minoritaires seront toujours considérés comme une dérogation ponctuelle ne méritant pas une qualification de clause léonine.
Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 18/10/2022, 462497 - Légifrance (legifrance.gouv.fr)